Quinze jours avant d’assister à n’importe quel concert, Oskar Serti éprouvait déjà le plaisir de se retrouver bientôt dans un lieu où il se sentait parfaitement bien. Là-bas, il n’avait plus besoin de penser à quoi que ce soit. Tout ce qu’il devait faire lui venait naturellement. C’était comme s’il était porté par le bâtiment. Qu’il entende le moindre petit papier déchiré, et il savait que les ouvreuses venaient de se mettre à l’ouvrage. Qu’il sente un léger courant d’air venant de l’étage, il savait que les portes de sa loge venaient de s’ouvrir et qu’il pouvait monter. Qu’il perçoive une infime baisse de lumière et il savait qu’il devait regagner son fauteuil. Il avait totalement assimilé l’esprit du lieu.
Un jour pourtant, au moment de pousser la porte d’entrée, il se sentit pris d’un vertige. Et si je n’étais devenu qu’un objet parmi d’autres dans ce bâtiment, incapable de penser par moi-même, incapable peut-être de ressentir par moi-même ; peut-être que je n’applaudis pas un concert parce que je l’aime bien, mais uniquement parce que le lieu me l’impose.
Il resta figé sur place. Toutes ces questions l’empêchaient d’entrer dans le hall. L’heure du concert approchait dangereusement. Il eut pourtant la grande surprise de voir, au travers de la porte vitrée, que personne ne bougeait à l’intérieur.
Il ne savait pas que tout le monde l’attendait. Au fil du temps, sa faculté d’anticiper le moindre déplacement, le moindre événement qui allait se produire avait fait de lui un point de repère obligé pour chacun des spectateurs.