Le poète Alphonse de Lamartine, aussitôt élu à la tête du gouvernement provisoire de 1848, projeta d'organiser une soirée édifiante de ventriloquie intitulée « Comment les voix claires-obscures de l'univers touchent notre conscience profonde. »

Alors que l'événement avait fait courir le Tout-Paris, il fut interdit quelques minutes à peine avant de débuter. À la suite d'un coup savamment monté, le 24 juin 1848, jour même de la destitution de Lamartine, le général Cavaignac avait envoyé ses hommes au musée des Arts et Métiers pour en chasser les ventriloques devant un public médusé. Par ce geste spectaculaire, Cavaignac voulait montrer au grand jour qu'il n'était plus question d'admettre la confusion des voix – universelles et individuelles – rêvée par Lamartine. Sa devise était : « Il n'y a qu'une et une seule voix, celle du peuple. »

Les ventriloques, dans un fatal réflexe lié à leur profession, répliquèrent en faisant éclater des bruits de mitraille et de bombes aux quatre coins de la salle où on les avait confinés. Déconcertés, les soldats répondirent avec de vraies balles ; Monsieur Aristide, l'homme aux mille voix, tomba.

Dès le départ des soldats, les rescapés procédèrent à l'empreinte du masque mortuaire de leur regretté confrère.

Seul le moule à creux perdu fut exposé lors des funérailles de Monsieur Aristide, et certains prétendirent qu'en posant l'oreille à l'intérieur – un peu comme on pourrait le faire avec un coquillage –, on pouvait entendre le dernier souffle du malheureux. 

Moule à creux perdu du visage de Monsieur Aristide