Les trotteuses

 

Quand je lis les Mille et Une Nuits, je me retrouve dans plusieurs lieux à la fois : dans le désert avec Aladin – là où l’histoire se passe –, dans la chambre où Schéhérazade raconte au roi l’histoire d’Aladin – là où l’histoire est racontée pour la première fois –, et dans la pièce où je suis en train de lire – là où l’histoire m’est racontée personnellement–.
Les histoires de Schéhérazade ne sont pas gratuites. Elle les raconte autant pour reculer l'heure de sa mort que pour séduire le roi. Parfois, je lis des passages tellement prenants, qu’avant même de les avoir terminés, je me sens obligé de poser mon livre et de faire quelques pas. Comme s’il fallait – par ces quelques pas – que je donne à mon corps l’occasion de se promener lui aussi dans tous les espaces engendrés par ma lecture.
C’est par ce type de lecture physique que j’aimerais que l'on rentre dans mes récits. Je voudrais qu’en compagnie des trotteuses, le visiteur devienne un porteur d'histoires; qu'il se sente chargé de cette même présence qui nous accompagne quand on marche seul dans la rue, et qu'on regarde le monde qui nous entoure encore imprégné de l'histoire que l'on vient de lire.