Les boîtes à voix connurent leur âge d'or au XVIIIe siècle. Une suite de mécanismes complexes constitués de minuscules engrenages à bascule et à friction produisait, si l'on retournait la boîte d'un mouvement suffisamment sec, de vagues imitations de cris ou de murmures (jamais de mots intelligibles). Généralement associées à de petits théâtres de bois peint, elles donnaient un supplément de vie aux personnages héroïques représentés dans des scènes pittoresques.

Le dispositif de La Pierre d'amour* permettait, dans un premier temps, de déclencher un cylindre à musique dont la douce mélodie évoquait la passion naissante des deux protagonistes, puis, dans un deuxième temps, de libérer les soupirs d'amour s'échappant de leurs lèvres enflammées ; et enfin, de lancer des cris d'effroi devant la chute fatale du bloc de pierre.
Dans le but d'unir la mécanique du cœur à celle de la boîte, la glissière d'accès aux rouages internes portait l'inscription :

Chaque battement de mon cœur
Est un pas en toi enchanteur.

Dans ces vers, on retrouve une figure rhétorique révélatrice de la sensibilité baroque où le chemin de l'amour (« le pas » que je fais en toi) est constitué de sa propre négation (le « pas en toi »).

*La Pierre d'amour, roman noir paru anonymement en 1726, généralement attribué à l'abbé Prévost, donne peut-être la meilleure idée des images inconscientes associées à ce bâtiment si présent dans l'imaginaire parisien.

L'intrigue de La Pierre d'amour débute dans la salle des Échos du prieuré. Le singulier entrecroisement des voûtes de cette salle permet aux mots chuchotés dans un coin d'être intelligibles à l'autre extrémité sans être perceptibles ailleurs. Cette étrange propriété en avait fait, en son temps, le lieu privilégié pour confesser à distance les lépreux, encore nombreux au xviie siècle.

C'est dans ce contexte que l'abbé Prévost (1697-1763) imagine une histoire d'amour – purement platonique – entre un confesseur, le révérend père Bertrand, et une jeune lépreuse pas encore ravagée par la maladie et dont la voix suave ne laisse personne indifférent.

Au-dessus de la salle des Échos, dans un appentis oublié de tous, un intrigant séminariste profite d'un trou dans le plancher pour y enfoncer la tête et écouter avec concupiscence les soupirs un peu trop flagrants de ce troublant conciliabule amoureux.
Tapi dans son repaire, le séminariste ira jusqu'à desceller une pierre de voûte qui ira s'effondrer sur son rival, l'écartant irrémédiablement du chemin de son désir. Son crime accompli, il tentera de se substituer à lui comme confesseur. Pétrifiée par le chagrin, la jeune lépreuse ne voudra cependant se confier à personne. Sous le coup du désespoir, bravant toute contagion, le séminariste l'enlèvera et la gardera recluse au fond d'une cave humide. Pour célébrer sa venue au « monde implacable de l'amour éternel », la pauvre sera même baptisée au cours d'une messe noire où son tortionnaire lui maintiendra la tête dans les eaux souillées de la Seine qui, les nuits de violents orages, remontent à la surface du sol glacé de sa prison.

Boîte à voix dite de La Pierre d'amour, Paris, 1802