Du fond du Moyen Âge jusqu'à nos jours (dans certains villages reculés), les timbres de voix se retrouvent dans pratiquement toutes les régions traversées par les Alpes (quels que soient le pays ou la langue).
Des timbreurs ambulants passaient dans les villages pour proposer leurs services aux personnes âgées ou victimes de santé fragile. Dans leur situation, il leur était conseillé d'anticiper leur disparition prochaine et d'offrir à leur conjoint ou à leurs descendants une image de leur voix qui pourrait ainsi continuer de résonner dans la maison.
Dans les Alpes – sans doute en raison de la persistance des voix sous forme d'écho dans la montagne –, les populations locales ont toujours été particulièrement sensibles à l'idée d'une vie après la mort sous une forme vocale.
Quand un villageois faisait appel au timbreur, les deux se retiraient dans une pièce, dos contre dos, une simple planche coincée entre eux. Le « patient » parlait le temps nécessaire pour le timbreur de bien sentir les vibrations de la voix dans la planche. Les timbreurs étaient considérés comme des sortes de sourciers, capables de détecter des forces mystérieuses.
L'opération terminée, le timbreur collait longuement l'oreille à la planche, puis, s'étant bien imprégné de tout ce qui s'en dégageait, y taillait un dessin à l'aide d'un fin ciseau et s'en servait comme matrice pour imprimer une série de gravures.
À la mort de la personne, les impressions de son timbre de voix étaient accrochées dans différentes pièces de la maison, la planche gravée généralement fixée au-dessus de la cheminée.
Le timbreur signalait son arrivée dans un village en criant :
Donnez-moi votre voix
Jamais ne se perdra.
Donnez-moi votre voix
La rendrai mille fois.
Ci-dessus : Le Timbreur, dessin à l'encre de Chine, anonyme, xviiie siècle
Ci-dessous : gravure de timbre de voix et son bois gravé matriciel