Le mur

 

En octobre 1954. lorsqu'il apprit la mort de son ami le peintre dissident Théodore Brötski, Oskar Serti se jura de tout mettre en œuvre pour honorer son souvenir.
Grâce au réseau de relations qu'il s'était patiemment tissé, Serti parvint à rassembler dans la maison-atelier du défunt les plus hauts responsables des instances culturelles de Budapest, avec le secret espoir de les rallier à sa cause.
Mais lorsqu'il leur proposa d'organiser une exposition des tableaux qu'ils avaient sous les yeux, tous ses invités, effrayés par leur caractère subversif, baissèrent les yeux sans oser dire un mot.
C'est alors que le conservateur du Musée des Arts Décoratifs et des Traditions Populaires se dévoua pour briser le silence embarrassé de ses confrères. Par un habile faux-fuyant, il évita le problème épineux des fameux tableaux pour feindre un profond enthousiasme devant les papiers peints qui recouvraient les murs des différentes pièces de la maison.
À la surprise générale, Oskar Serti, beaucoup trop réceptif à la moindre marque d'attention portée à tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin l'univers de Théodore Brötski, poussa le conservateur imprudent à présenter dans son musée ces papiers peints, même dénués de leurs trop compromettants tableaux. Serti insista toutefois pour que l'on respecte à sa juste valeur la mémoire des œuvres de son ami à travers leur empreinte laissée sur les murs.

 

En haut : extraits du salon et de l'atelier de Theodore Brotski, tels qu 'ils furent présentés au Musée des Arts Décoratifs et des Traditions Populaires.