La consolation
Lorsque vint le moment d’annoncer de mauvaises nouvelles à madame M…, le docteur C… espéra qu’un long silence parlerait à sa place. Mais madame M… ne prit pas conscience de la gravité de la situation. Au contraire, c’était la première fois qu’elle rencontrait un silence d’une telle qualité. Un silence dont l’intensité lui permit de reprendre son souffle dans une vie qui jusque-là ne lui avait pas permis de respirer. |
Dès qu’elle entre dans le cabinet du docteur D…, madame M… s’assoit avec toutes les difficultés dues à son grand âge. Puis elle récupère et ne dit pas un mot sur le motif de sa visite. Elle ne commence à l’évoquer qu’en repartant, la main déjà posée sur la poignée de la porte. Généralement, la consultation se fait en redescendant l’escalier. Là, elle peut au moins montrer au docteur D… qu’elle est toujours en vie. |
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Madame P… redemande toujours au docteur E… comment les médicaments qu’il lui prescrit agissent sur l’organisme. Chaque fois, elle s’émerveille des prodiges de la médecine contemporaine. |
Vincent L… n’a jamais réussi à terminer ses études de médecine. |
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Fernand M… ne souffre d’aucune affection particulière. |
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Dans l’urgence de la situation, le docteur F… doit faire le bon choix dans les solutions qui s’offrent à lui pour sauver Lucien L… |
Les nuits où l’inquiétude l’empêche de dormir, le docteur L… essaie d’additionner en mètres ses déplacements de la journée dans son cabinet. Il ne sait pas où cette distance va le mener, mais il voudrait qu’elle donne à son métier la valeur d’une promenade. Sur ses chemins d’insomnies, le docteur L… voit s’approcher des promeneurs égarés. Ils ont tous son visage ; son visage avec les expressions particulières dont sont affectés ses patients. |
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À chaque question que lui pose Joseph S… sur l’état de sa maladie, le docteur F… répond invariablement qu’il ne sait pas. Ce que le docteur F… sait, c’est que Joseph S… a acquis une telle connaissance de tout ce qui concerne son mal, qu’on ne peut plus rien lui apprendre. Le docteur F… sait aussi que Joseph S… continuera de lui rendre visite, car il aura toujours besoin de sentir une forme d’ignorance accompagner son destin. |
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Dès qu’il apprend que Gérard H… s’est enfermé dans son appartement en menaçant de commettre l’irréparable, le docteur J… accourt. Assis dans le couloir, au travers de la porte couverte de graffitis, il tente en vain de le raisonner. Puis, pour se rendre un peu utile, il corrige les fautes d’orthographe des injures inscrites sur la porte. Quand il n’est pas sûr d’un mot, il demande conseil à Gérard, qui finit par ouvrir pour mieux voir. |
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Monsieur T… regarde très rarement le docteur H… dans les yeux. Il pourrait à peine dire à quoi il ressemble. En revanche, aucun des appareils dont se sert le docteur H… n’a de secret pour lui. On pourrait croire qu’il n’attend son salut que de leur part, mais pas du tout. S’il les regarde aussi intensément, c’est par jalousie. Il voudrait tant que son corps ne soit qu’un assemblage de pièces que l’on peut remplacer quand elles sont défectueuses. |
Chaque fois qu’elle se rend en consultation chez le docteur F…, Jacqueline H… laisse passer les autres avant elle. Quand, à la fin de la journée, le docteur F… la reçoit enfin, elle lui demande des nouvelles de chacun des patients qu’il vient d’examiner. Le docteur F… sait qu’il doit être habile dans sa réponse, car ce n’est qu’à travers le mal des autres que Madame F… acceptera d’entendre parler de celui dont elle souffre. |
Après un examen clinique assez difficile, le docteur T… fait asseoir le petit Marc pour lui expliquer la douleur qui va l’accompagner quelque temps. Mais Marc n’écoute pas les paroles qui pourraient le soulager. Après l’examen qu’il vient de subir, il voudrait juste un cadeau. De déception, il vole un petit objet en partant. Le soir, le poids des remords est tel qu’il fait passer sa douleur au second plan. |
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Parfois, nous traversons les circonstances de la vie sans qu’elles aient de prise sur nous. D’autres fois, les circonstances de la vie nous traversent sans que nous ayons de prise sur elles.
On pourrait — à ce petit jeu — se demander qui est le plus fort. Mais il n’est pas possible de répondre, car tout se passe dans un brouillard si épais qu’on n’y distingue pas grand-chose.
Il ne faut espérer dissiper ce brouillard qu’en se racontant continuellement et tout haut notre vie. Seul le souffle de nos mots pourra modifier la condensation ambiante.
Lorsque après beaucoup de temps, nous pourrons enfin voir dans le brouillard, nous nous rendrons compte de la disparition des circonstances de notre vie, et de nous-mêmes.
Seule notre parole restera en suspension.