Autour de Paris
SUR LA ROUTE DES BLEUETS
Généralement, les apprentis comédiens placent dans leur brochure de répétitions des coquelicots sur les répliques qu'ils ont peur d'oublier en scène.
Cela ne les empêche pas d'oublier ces répliques en scène, mais le fait de penser à une fleur durant un trou de mémoire rend l'épreuve moins pénible à supporter.
SUR LA ROUTE DES COQUELICOTS
Selon une tradition bien ancrée en Europe, lorsqu'on veut savoir si le secret qu'on craint d'avoir livré trop rapidement à quelqu'un sera bien gardé, on le redit au creux d'un coquelicot.
Si, à la tombée de la nuit, la fleur se referme sur elle-même, on peut être rassuré. Si au contraire, ses pétales tombent sur le sol, il sera divulgué un jour. Si les pétales tombent sur un autre coquelicot qui lui -même se laisse aller sur un autre, il faut se faire une raison : tout le monde connaît déjà le secret
SUR LA ROUTE DES PÂQUERETTES
On raconte que les pâquerettes d'Île-de-France nourrissent un tel sentiment de dépendance vis-à-vis de la race humaine, que seule la terre qui s'est glissée sous les ongles de ceux qui la travaillent leur permet d'éclore.
SUR LA ROUTE DES RENONCULES
En France, on raconte que les jeunes enfants qui découvrent des champs de boutons d'or voient dans chaque fleur un bouton-poussoir jaune.
Ils peuvent passer des journées entières à les écraser dans l'espoir de voir quelque chose se déclencher dans le paysage.
SUR LA ROUTE DES PRIMEVÈRES
Dans la région parisienne, on raconte que ceux qui veulent bien dormir placent des primevères à la tête de leur lit.
Le lendemain matin, ils retirent patiemment tous les pétales qui sont tombés et qui, entraînés par le mouvement du corps, se sont éparpillés sous les couvertures.
Cela les oblige à prendre le temps de se souvenir un à un de leurs rêves.
SUR LA ROUTE DES JACINTHES
Dans la banlieue parisienne, on raconte que lorsque les vrais promeneurs tombent par hasard sur un paysage qui les enchante, ils retiennent les chemins à prendre en fonction de l'implantation des jacinthes.
Ainsi, l'année suivante, même si le paysage a changé, même si toute forme de végétation a disparu, ils continueront à se promener dans le souvenir du paysage qu'ils ont aimé.
SUR LA ROUTE DES VIOLETTES
On raconte qu'autrefois, les graines de violettes étaient extraites des rives de la Seine pour composer les chapelets des jeunes filles. Celles-ci, la veille de leur mariage, en gage de fécondité, disaient leur rosaire jusqu'à ce que les graines les plus vives, enrobées continuellement dans la terre moite qui recouvraient leurs mains, éclosent.
À leur mort, leurs enfants reconnaissants plaçaient dans un pot de terre les graines du chapelet
qui n'avaient jamais pu germer entre les mains de leur mère.
SUR LA ROUTE DE LA LAVANDE
En Île-de-France, on raconte que les graines de lavande ont un tel besoin de chaleur que la plupart d'entre elles se regroupent inconsidérément dans les bandes de terre argileuse dont on fait les briques.
SUR LA ROUTE DES GENÊTS
En Île-de-France, on raconte que dans certaines conditions exceptionnelles de lumière et d'humidité, on peut voir pousser les genêts à vue d'œil.
Mais dans n'importe quelle condition, si on prend bien le temps de regarder dans les yeux les personnes qui prétendent les avoir vus pousser, on peut savoir si elles disent la vérité ou pas.
SUR LA ROUTE DES MARGUERITES
Suivant une tradition bien établie, ceux qui veulent apprendre à peindre d'après nature doivent cueillir une marguerite et la garder en main en l'observant avec attention jusqu'à ce qu'elle se flétrisse. Ils doivent alors jeter l'original et reproduire l'image qu'ils viennent de fixer intensément.
Cet exercice demande une grande confiance en soi, et beaucoup d'apprentis sont tellement nerveux, qu'ils serrent la tige dans leurs mains au point d'empêcher la sève de s'évacuer.
Ils peuvent ainsi rester plus de trente-six heures avec une fleur toujours fraîche en main. Lorsqu'elle se flétrit enfin, ils sont beaucoup trop épuisés pour composer le moindre dessin.
SUR LA ROUTE DU MUGUET
On raconte qu'au printemps, dans les grandes villes, les jeunes sauterelles délimitent leur nouvelle aire de vie en fonction des fleurs de muguet. Si après un violent orage, il ne reste plus aucun muguet, les sauterelles émigrent aussitôt. En revanche, s'il n'en reste qu'un seul, elles restent immobiles à côté de celui-ci. On ne sait pas si les sauterelles y restent attachées parce que leur espace s'est réduit à un seul point, ou si le muguet est devenu le drapeau d'un pays disparu auquel elles rendent hommage.
SUR LA ROUTE DES PERVENCHES
Une tradition veut que les pervenches servent de marque-page à tous ceux qui aiment lire sur les bancs parisiens.
Après des années, quand ces lecteurs retombent sur leur livre, ils se rendent compte que le texte des pages où ils avaient glissé une pervenche a disparu derrière une tache bleue.
Tous se souviennent pourtant mot pour mot de ce qu'il y avait d'écrit, car généralement, on interrompt sa lecture quand on est vraiment trop touché par ce que l'on vient de lire.
Le projet met l’accent sur le fait que le tramway des maréchaux ne ceinture pas la ville, ne la boucle pas, mais au contraire, ouvre des points de passage. Paris et sa banlieue n’apparaissent plus dans une forme d’hiérarchie (ce qui est dans le centre ou hors du centre), mais ils sont unis dans une même croissance ; la croissance d’une fleur ou d’un arbre. Ils sont unis par une même « histoire ». Par ce projet, le tramway est présenté comme le terreau dans lequel peuvent germer ces histoires. La ligne du tramway est un acteur d’ouverture et de connexion dans la ville et sa périphérie. Le tramway ouvre non seulement des connexions au niveau du transport urbain, mais il « véhicule » aussi de l’imaginaire. Le tramway est porteur d’une image « verte » et apaisante, capable de donner à des déplacements purement utilitaires la qualité de vie d’une promenade pavée de surprises.
1/ Les dessins
Le projet présente des promenades dans des rues de Paris et de sa banlieue à la découverte de fleurs et d’arbres imaginaires. Chacune de ses promenades prend son assise sur le parcours du tramway sud (du pont de Garigliano à la porte d’Ivry). Le dessin de ces promenades est composé par le nom même des rues empruntées et évoque des motifs végétaux.
Sur les vitres, est apposé un vinyle transparent (100 X 150 cm), imprémé en noir. Il sera proposé un jeu de douze promenades qui chacune évoque penser à une fleur. Les douze promenades peuvent être présentées dans un ordre aléatoire car la ligne de lettre composée par le parcours du tramway se raccorde toujours à celle du dessin voisin. Chaque promenade propose l’histoire d’une fleur imaginaire présentée comme si on pouvait la découvrir dans les rues de Paris. Ainsi, vues de dos, les vitres seront vues comme un ensemble graphique, tandis que du côté des voyageurs qui attendent le tramway, les vitres apparaissent comme les pages illustrées d’un livre qui leur raconte des histoires. Toutes les histoires sont suffisamment courtes pour permettre une lecture entre deux passages de tramway.
2/ Les plaques
Au dos des boîtiers techniques sont placées des plaques émaillées (110 X 400 cm). Elles sont spécifiques à chaque station ; par le dessin, mais également par les couleurs proposées. Les couleurs des lettres et leur fond agissent en ton sur ton pour donner un effet de transparence qui répond à la transparence des dessins sur vitres.
Chaque nom des fleurs de lettres fera référence à la station où les boîtiers techniques se trouvent. Les branches qui partent du rameau le font toutes du même point qui correspond à l’emplacement de la station sur la ligne du tramway.
3/ Les lumières
Le principe est de prolonger la bande d’herbe du site du tramway ; Ainsi, dans toutes les stations, les lumières des toits produisent un fond vert (variation de vert, ondulation comme le vent dans les prés). Et dans ces franges vertes poussent des fleurs. Il y a une couleur dominante de fleur par station (cette couleur est la même que celle de la plaque émaillée) ; donc chaque station est associée à une couleur particulière.
Ces couleurs éclosent aléatoirement sur le fond vert (si cette couleur dominante est par exemple du rouge, on a des variations de rouge, du plus tendre au plus intense). Parfois une seule section voit éclore ce point coloré (j’appelle section chaque partie lumineuse autonome correspondant à la largeur d’une paroi vitrée), parfois deux sections à la fois, parfois plus. Ainsi, entre le passage des tramways, des taches colorées éclosent sur le fond vert. À l’arrivée du tramway, cette couleur envahit tout le vert (qui disparaît complètement le temps de l’arrêt à quai), comme si le tramway apportait toutes les fleurs, les emportant à son départ, puisque en partant, la couleur dominante disparaît pour ne laisser que le fond vert, qui petit à petit se couvre de taches colorées.
De temps à autre, et aléatoirement également, un point jaune, comme une abeille qui butine, parcourt toutes les sections pour s’attarder sur une seule. Ce point qui circule rapidement peut également être bleu foncé comme un oiseau.